L'âge idéal pour apprendre à lire et à écrire ?
L'expérience montre qu'aucun enfant ne ressemble vraiment à un autre, chaque sujet étant un cas particulier. En ce qui me concerne, je me souviens très bien de ce petit bout de chou croisé dans un couloir de mon immeuble.
- Bonjour, c'est comment ton nom ?
- Inès.
- Et tu as quel âge ?
- Deux ans et demi.
Et à deux ans et demi, Inès connaissait déjà tout son alphabet. Et devant mon étonnement, elle est allée me chercher un objet jaune, à la forme étrange : un de ces jouets électroniques conçus comme un ordinateur parlant, avec un clavier et un tout petit écran. Et elle l'a fait marcher devant moi, ce qui donnait quelque chose comme ça :
- Appuie sur le 'p'. Non, ce n'est pas le 'p'. Appuie sur le 'p' ! Bravo ! Appuie sur le 's'. Bravo ! Etc.
Et c'est comme cela qu'elle a appris toutes les lettres de l'alphabet, qu'elle pouvait, donc, déchiffrer, mais pas encore écrire. Ce qui m'a donné quelques idées, comme de lui apprendre à écrire, et pour ce faire, j'ai attendu encore un peu, le temps qu'elle sache tenir un crayon ou un stylo, ce qui fut fait vers ses trois ans et demi.
Par la suite, je la voyais régulièrement et lui faisais faire toutes sortes d'exercices. Sur la photo suivante, elle va sur ses quatre ans et s'initie à l'addition.
À cinq ans, elle écrit déjà très bien, au point que j'estime qu'en Grande Section de Maternelle, elle a déjà pas mal d'avance sur les enfants du même âge. Autant dire que si elle avait été ma fille, je lui aurais évité d'aller perdre du temps en CP, quitte à lui faire l'école à la maison. Mais bon, ce n'était pas ma fille !
Habituée à traverser le couloir qui séparait les deux appartements, Inès ne cessait de me harceler à coups de "Monsieur W., vous allez m'apporter l'ordinateur ?".
Il faut dire qu'outre les livres, mon petit studio regorgeait d'ordinateurs certes anciens, mais nombreux, que j'utilisais en même temps, comme le vieux Compaq visible ci-dessous, que j'ai installé dans sa chambre le jour même de ses six ans, avec une petite flopée de programmes éducatifs, dont un programme d'apprentissage de la dactylographie.
Ci-dessous, elle doit avoir neuf ans, lorsque je l'initie au solfège et lui fais découvrir les "Mikrokosmos" de Bartok.
La morale de tout ce qui précède ?
Tout se joue à la maison ! J'entends beaucoup parler de réussite ou d'échec scolaire, s'agissant d'enfants issus de milieux dits "défavorisés". Pour ma part, j'estime que les différences en la matière ne se creusent pas à l'école mais au domicile familial, selon que l'enfant est entouré de parents instruits, peu instruits ou incultes.
Démonstration : ce qui suit est une comparaison entre des tracés réalisés par deux enfants quasiment du même âge : à gauche, Inès a trois ans et demi, et comme on peut le voir, elle sait déjà très bien tenir un stylo et reproduire des syllabes. À droite, nous l'appellerons Tom, quatre ans, jamais scolarisé auparavant ni placé en crèche, et n'ayant visiblement jamais tenu un crayon. L'exercice consistait à reproduire les lettres figurant à gauche de la page. Le jeune Tom était à ce point maladroit qu'il a fallu lui tenir la main pour l'aider à dessiner les lettres. Pour mémoire, la famille de Tom vivait dans un luxueux immeuble du quartier de l'avenue d'Iéna (Paris 16ème) et le père (diplomate ou homme d'affaires) se déplaçait dans une limousine avec chauffeur. Ce n'était donc pas une question d'argent ni de richesse des familles !
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Le moins qu'on puisse dire est qu'à quatre ans, le jeune Tom affichait un âge mental équivalent à celui d'Inès à deux ans, et encore !, parce qu'à deux ans, Inès connaissait déjà son alphabet ! Cela se voit également dans la capacité à réaliser un dessin : on voit que Tom tient un crayon dans la main pour la toute première fois de sa vie. Du reste, il devait s'interrompre régulièrement, quand son bras commençait à tétaniser, tout le contraire d'Inès, laquelle, quasiment au même âge, pouvait faire des gribouillages des heures durant et est l'auteur de ce dessin de jeune mariée.
On mesure, par conséquent, les différences considérables qui peuvent exister entre des enfants du même âge (en théorie), en termes d'âge mental ou d'âge pratique, lequel mesure ce qu'on sait ou qu'on peut faire (lire, écrire, jouer au piano ou au violon, s'habiller, mettre ses chaussettes ou nouer des lacets, se brosser les dents, manger à la fourchette ou à la cuiller, etc.). Imaginez seulement un écart de deux années de maturité, autour de quatre ans, soit la moitié de l'âge des enfants. Et imaginez ensuite ce qui va se passer au fur et à mesure de la croissance des enfants, entre, d'une part, un enfant qui va poursuivre sa progression intellectuelle, dans un environnement stimulant, avec des parents instruits et cultivés, et, d'autre part, un enfant vivant dans un milieu pauvre, avec des parents peu instruits, voire illettrés ou analphabètes...
Pour ma part, je considère que cette absence de prise en compte des disparités socio-culturelles familiales, tant par les psychologues, sociologues et travailleurs sociaux, que par le monde de l'éducation et les pouvoirs publics constitue un réel scandale.
Le fait est que l'on parle beaucoup de l'échec scolaire, que l'on tente de colmater à coup de mesurettes comme les cours de soutien scolaire, alors même que l'essentiel du problème se situe ailleurs, ce qui explique que les problèmes perdurent.
Dans la réalité, ça donne par exemple quelque chose comme ce qui suit : extrait d'un cahier d'élève ; classe : CM1. Sujet complètement illettré, presque analphabète, pourtant né en France et ne parlant que le français à la maison !
Revenons au cas particulier de l'enfant de milieu aisé, mais avec des difficultés liées à la mixité culturelle. À un peu plus de quatre ans, Kikuko baragouine encore le français comme si elle avait deux ans, mais elle est parfaitement volubile en japonais, sa langue maternelle. On réalise que ses problèmes langagiers auraient pu être évités si les parents avaient bien voulu engager une nounou ou une baby sitter à un stade précoce, mais peut-être que cette femme japonaise très maternante n'a jamais imaginé pouvoir confier son enfant à une étrangère.
Toujours est-il qu'il a fallu faire du sur-mesure, ce qui a été considérablement facilité par le niveau intellectuel élevé de la mère, tout à fait disposée à relayer le travail accompli en cours particuliers.
Le fait est que six mois ont suffi, à raison d'une petite heure de cours particuliers par semaine, soit autour de vingt-cinq heures, pour que Kikuko voie ses performances en français s'améliorer sensiblement. C'est ainsi qu'elle a accédé à la Section suivante de Maternelle, tandis que d'autres enfants de sa classe étaient maintenus dans la même section, faute d'une maturité intellectuelle suffisante.
Vingt-cinq heures pour décider de toute une année scolaire... Dans les petites classes, la chose est tout à fait possible ! Cela dit, il a fallu déployer des trésors d'imagination pour amener cette gamine un peu capricieuse à remplir des pages entières de dessins de lettres, le tout moyennant des intermèdes consacrés au dessin ou au piano.
La morale de l'histoire ?
Il est possible d'apprendre à n'importe quel enfant à lire et à écrire, dès lors qu'il est en mesure de manger de manière autonome. C'est, du reste, la question que je pose toujours aux parents : "Est-ce qu'il/elle peut manger un yaourt avec une petite cuiller ?" La réponse est "Oui ?", alors dans ces conditions, il n'y a aucun problème.
C'est dire si, avec des adultes analphabètes ou illettrés, la question ne se pose même pas !
Détail important : l'expérience des enfants dits "surdoués" montre que c'est dans les toutes premières années qu'ils creusent l'écart avec ceux de leur âge. Par exemple, la quasi-totalité de ces sujets précoces n'ont besoin que d'une année par cycle de deux ans, après être parvenus en CE1 vers quatre ans (+ une année en CE1/CE2, une année en CM1/CM2), soit un accès en classe de Sixième autour de 6/7 ans, ce qui n'a rien d'extraordinaire.
Mais on aura compris que tout cela n'est envisageable, la plupart du temps, que moyennant une déscolarisation - car le système scolaire n'aime pas trop les sujets sortant des normes ! -, donc une implication totale des familles.
De fait, enfant surdoué signifie toujours enfant ayant d'abord été scolarisé à la maison.
Libellés : alphabet, alphabétisation, analphabétisme, culture, développement, durable, école, éducation, émigration, illettrisme, immigration, immigré, maternelle, sous-développement, syllabique, tradition
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